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lundi, 30 août 2010

Refus d'un fichier dont l'objet est "le partage, entre des établissements de crédit, d'informations sur l'état des encours de crédit d'une personne physique"

Par la CNIL et le Conseil d'Etat :

 

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 4 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE EXPERIAN, dont le siège est immeuble Le Triangle de l'Arche 8, cours du Triangle à La Défense (92937) ; la SOCIETE EXPERIAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2007-044 du 8 mars 2007 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés a refusé la création par la société d'un traitement automatisé ayant pour finalité la mise en place d'une centrale de crédit ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de délivrer à la SOCIETE EXPERIAN l'autorisation demandée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel signée à Strasbourg le 28 janvier 1981 ;

Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Imbert-Quaretta, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE.




Considérant que la SOCIETE EXPERIAN, société de services, a présenté le 12 décembre 2006 à la Commission nationale de l'informatique et des libertés une demande d'autorisation portant sur un traitement automatisé de données à caractère personnel, consistant dans la mise en oeuvre d'une centrale de crédit ayant pour objectif, selon les écritures de la société, de favoriser le développement du crédit notamment auprès des populations qui en sont traditionnellement exclues, sans risquer le surendettement ; que ce traitement se caractérise par le partage, entre des établissements de crédit, d'informations sur l'état des encours de crédit d'une personne physique ; que par délibération du 8 mars 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a refusé la création de ce traitement ; que la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE, venant aux droits de la SOCIETE EXPERIAN, demande l'annulation de cette délibération ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : I. Sont mis en oeuvre après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à l'exclusion de ceux qui sont mentionnés aux articles 26 et 27 : (...) / 4° Les traitements automatisés susceptibles, du fait de leur nature, de leur portée ou de leurs finalités, d'exclure des personnes du bénéfice d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire (...) ; que le traitement présenté par la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE permet aux établissements bancaires qui ont adhéré à cette centrale de disposer, avant tout octroi de prêt ou de crédit à un client, des renseignements sur les crédits attribués à celui-ci par l'ensemble des autres établissements bancaires et, donc, de refuser sur la base des informations ainsi collectées ce crédit ou ce prêt ; qu'ainsi, ce traitement, dès lors qu'il est susceptible d'avoir ce résultat, est au nombre de ceux qui, au sens du 4° du I de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978, sont susceptibles par leur nature d'exclure des personnes du bénéfice d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat ; que dès lors, le traitement en cause ne pouvait être mis en oeuvre qu'après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;

Considérant qu'en application des articles 2 et 3 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi du 6 janvier 1978, d'une part, la commission délibère valablement lorsque la majorité de ses membres en exercice sont présents et, d'autre part, ses délibérations sont prises à la majorité des membres présents ou, pour les autorisations portant sur la création de traitements mentionnés à l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978, à la majorité des membres composant la commission ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les textes applicables imposeraient pour la validité des délibérations la présence de la totalité des membres de la commission doit être écarté ;

Considérant que la délibération en date du 8 mars 2007, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la mission de conseil et d'information exercée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés en application du 1° et du d) du 2° de l'article 11 de la loi du 6 janvier 1978, qui est distincte de l'exercice de la mission définie au a) du 2° du même article selon laquelle elle autorise les traitements mentionnés à l'article 25, est une mission générale dont les termes ne posent pas une règle de procédure applicable à l'instruction des dossiers individuels ; que, par suite, la société requérante ne saurait utilement invoquer à l'encontre de la décision contestée la circonstance que celle-ci serait fondée sur des motifs qui n'auraient pas été étudiés au cours des contacts intervenus entre la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE et des membres de la commission lors de l'instruction de la demande ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient que la commission aurait commis une erreur de droit en estimant que le transfert d'informations couvertes par le secret bancaire ne peut être autorisé que par le législateur et que le traitement était illicite au sens de la loi du 6 janvier 1978 comme portant sur des données ne pouvant être collectées, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la commission ne s'est pas fondée sur de tels motifs pour refuser la délivrance de l'autorisation sollicitée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 : Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : / 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ; / 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la centrale de crédit exploitée par la société requérante est alimentée par les données fournies par les établissements bancaires adhérents ; que les informations sont recueillies par ces derniers auprès de leurs clients à l'occasion d'une demande de prêt ou d'ouverture de crédit ;

Considérant que le client d'une banque peut toujours renoncer à la protection du secret bancaire à condition d'y consentir librement et de manière expresse au vu d'une information complète lui permettant de prendre sa décision de manière éclairée ; qu'en l'espèce, d'une part, le client est invité à donner son accord au transfert d'informations le concernant, qui sont couvertes par le secret bancaire, avant qu'il lui soit répondu à sa demande de prêt ou de crédit ; que, d'autre part, la notice d'information qui lui est remise ne précise ni les données exactes qui seront transmises à la centrale de crédit , ni les utilisations de ces données par les établissements qui en seront destinataires, ni le délai de conservation de ces données dans la centrale de crédit ; qu'ainsi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en estimant que les conditions qui viennent d'être rappelées pour que le consentement de l'emprunteur soit libre et éclairé n'étaient pas réunies et, qu'en conséquence, les informations sur la situation financière de ce dernier n'étaient pas recueillies de manière licite, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de la loi du 6 janvier 1978 ;

Considérant, en troisième lieu, que selon le 3° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, les données à caractère personnel pouvant faire l'objet d'un traitement doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'existe aucun engagement de la part des établissements bancaires adhérents de la centrale de crédit de ne pas utiliser les données qui leur seront communiquées pour une autre finalité que l'appréciation financière des demandeurs de crédit ; que cette incertitude sur l'utilisation ultérieure des données est aggravée par les caractéristiques du projet qui maintient, sans justification évidente, les données sur les emprunteurs dans les fichiers de la centrale trois ans après la fin du remboursement du crédit alors, au surplus, que le projet prend en compte les crédits immobiliers dont la durée est très longue ; qu'en conséquence, la commission n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 en estimant que les données ainsi recueillies qui pouvaient être utilisées à d'autres fins que celle pour laquelle la demande d'autorisation a été présentée, et notamment à des fins commerciales, n'étaient ni adéquates, ni pertinentes et avaient un caractère excessif par rapport au but en vue duquel la collecte des données est envisagée ;

Considérant que la société requérante ne critique pas utilement la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés au regard du principe de libre concurrence, de celui de libre prestation de service et des objectifs de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

Considérant que la circonstance, qui n'est d'ailleurs étayée par aucun élément et aucune argumentation, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés aurait délivré des autorisations pour des projets de traitements semblables ne constituerait pas, par elle-même, une violation du principe d'égalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération de la Commission nationale de l'informatique et libertés en date du 8 mars 2007 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :


Article 1er : La requête de la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EXPERIAN WESTERN EUROPE, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Carrefour, Leclerc et la comparaison des prix par site internet

Un arrêt sur cette guerre :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2008), qu'en mai 2006, la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc (la société Galec) a ouvert un site internet, hébergé par la société Colt Télécommunications (la société Colt), ayant pour objet la comparaison des prix pratiqués par les grandes enseignes de la distribution pour la vente de nombreux produits ; que la suspension de l'exploitation et de l'édition de ce site a été ordonnée par le juge des référés, saisi par la société Carrefour hypermarchés France (la société Carrefour), compte tenu du caractère non vérifiable des paramètres de la comparaison ; qu'à la suite de l'ouverture d'un nouveau site de comparateur de prix en 2007, la société Carrefour, estimant que les versions successives de celui-ci contreviendraient encore une fois au règles de la publicité comparative, a assigné au fond les sociétés Galec et Colt en indemnisation de son préjudice et en cessation de la diffusion de celles-ci ;

Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la publicité comparative n'est licite qu'à condition de ne pas être trompeuse et de ne pas induire en erreur, de porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et de comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, caractéristiques dont le prix peut faire partie ; que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ; qu'il appartient dès lors à l'annonceur d'établir la véracité des éléments de comparaison qu'il choisit de mettre en avant pour favoriser sa promotion et assurer au consommateur une information crédible ; que pour rejeter la demande de la société Carrefour qui, reprochant à la société Galec et à la société Colt une publicité comparative illicite, faisait valoir que 97 % des prix relevés dans son magasin de Saint-Brice-sous-Forêt étaient erronés et que, pour deux autres magasins, le taux d'erreur était de 97 et 75 % et, de façon globale, de 15 % des prix donnés, la cour a jugé qu'elle n'apportait pas la preuve de ses affirmations ni de « la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées » et des « prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués » (arrêt, p.5, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, quand il appartenait à la société Galec, dont la véracité des données était contestée, de les justifier, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, L. 121-8 et L. 121-12 du code de la consommation ;

2°/ que la société Carrefour avait soutenu dans ses écritures (pp.39 ss.) que la société Galec avait, parallèlement à la publication sur internet de chaque nouvelle version du site litigieux, développé une campagne considérable de publicité dans la presse et à la télévision après la période des relevés de prix et à un moment où, par conséquent, les prix avaient déjà subi une hausse substantielle ; qu'ainsi, comme elle l'a soutenu, cette publicité invitait les consommateurs à «augmenter leur pouvoir d'achat» (en achetant chez elle), en reprenant la synthèse, issue de son site, des écarts de prix des autres enseignes, établissant un lien direct entre ce slogan et ce site, alors que dans ce même temps de la diffusion de la publicité, ainsi que l'a fait établir la société Carrefour par huissier, huit magasins Leclerc, parmi ceux qui étaient retenus pour les relevés de prix, et pour plusieurs dizaines d'articles, avaient déjà augmenté leurs prix de plus de 10 % par rapport aux prix indiqués sur le site ; que la manipulation de prix était donc flagrante de la part de la société Galec, laquelle prenait avantage d'une comparaison en s'attribuant des prix qui n'étaient aucunement les siens ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence et le contenu de ces publicités parallèles ne révélaient pas le caractère mensonger des indications de prix portées sur le site litigieux et s'ils n'étaient pas de nature à établir le dénigrement dont était l'objet la société Carrefour, présentée comme l'enseigne la plus chère sur le fondement d'indications de prix manifestement manipulées, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 121-8 du code de la consommation ;

3°/ que, si la publicité ne répond pas aux trois critères dont le respect est exigé par le code de la consommation, ce simple fait établit le caractère illicite et par suite déloyal de la publicité comparative, générateur par lui-même d'un préjudice et d'un trouble commercial ; que l'action en concurrence déloyale par dénigrement ne nécessite pas un rapport de concurrence ni, a fortiori, un risque de détournement de clientèle ; que pour justifier que la société Galec n'aurait commis aucun acte de dénigrement et rejeter la demande présentée de ce chef par la société Carrefour, la cour retient que cette dernière n'établit pas que les éléments de fait reprochés présenteraient «un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts» ; qu'en soumettant ainsi l'action de la société Carrefour à une condition que la loi ne comporte pas, la cour a violé les articles 1382 du code civil et L. 121-8 du code de la consommation ;

4°/ que la publicité comparative n'est licite que si, notamment, elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur et si elle compare des caractéristiques vérifiables des produits comparés, dont le prix peut faire partie ; qu'un commerçant dont les produits peuvent être l'objet d'une publicité comparative n'a aucun moyen, dans l'éventualité de litiges ultérieurs, de se pré-constituer la preuve des prix qu'il pratique, puisqu'il ignore à la fois le jour où son ou ses concurrents opéreront leurs relevés et les produits sur lesquels ceux-ci porteront ; que ne connaissant qu'a posteriori la date des relevés et les produits sur lesquels ils ont porté, ce n'est qu'alors qu'il sera en mesure de vérifier la véracité des informations données sur les prix et de faire constater leur éventuelle fausseté ; que le seul moyen sera alors apporté par les tickets de caisse mentionnant les prix payés au jour des relevés par le consommateur, pour les produits concernés, distincts de toute remise, ces prix réclamés en caisse ne pouvant alors être que les prix affichés en rayon et sur lesquels le consommateur s'est déterminé à l'achat ; qu'en l'espèce, pour établir que les prix indiqués sur le site litigieux étaient erronés, la société Carrefour, qui dispose pour chaque magasin d'un système de tickets de caisse archivé, a fait procéder à des constats d'huissier, versés aux débats, permettant de retenir que les prix publiés par la société Galec comportaient un taux d'erreur de 15 % pour l'ensemble des magasins Carrefour, voire, pour le seul magasin de Saint-Brice-sous-Forêt, un taux d'erreur de 97 % ; qu'en refusant par principe à la société Carrefour, dont les prix étaient comparés, toute possibilité de faire valoir les tickets de caisse, lesquels constituaient pourtant son seul et unique moyen d'établir la fausseté des données publiquement diffusées par la société Galec sur ses prix, et en rendant ainsi invérifiables ces mêmes données, contrairement aux exigences de la loi, la cour a violé l'article L. 121-8 du code de la consommation, ensemble l'article 1315 du code civil ;

5°/ que, si le prix affiché en rayon pour un produit déterminé constitue l'offre légale du commerçant, le ticket de caisse constatant le prix payé pour ce produit ne peut être écarté, comme élément de vérification de la véracité d'une publicité comparative, si ce ticket fait apparaître un prix qui n'est affecté par aucune remise, de sorte qu'il s'identifie nécessairement au prix qui, en rayon, a déterminé l'achat du consommateur ; qu'en l'espèce, la société Carrefour a soutenu, d'une part, que sa carte fidélité ne donnait lieu à aucune réduction en caisse et, d'autre part, que les réductions éventuellement accordées aux clients, en caisse, ne s'appliquaient pas directement sur le prix de chaque article, mais séparément, en déduction du total facturé qui était indiqué (concl. p. 26) ; qu'il s'ensuivait que ces tickets présentaient, pour chaque article, un prix clairement identifiable qui, distinct de toute remise, ne pouvait correspondre qu'au prix affiché en rayon, c'est-à-dire à l'offre légale du commerçant ; qu'en décidant pourtant d'écarter ces tickets de caisse, au motif général et ici inopérant que «la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente», sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si les tickets de caisse invoqués ne présentaient pas précisément des prix nets de remise, correspondant ainsi nécessairement au prix affiché en rayon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article L. 121-8 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate, par motifs adoptés, que la totalité des relevés de prix en rayons, leur contrôle, leur enregistrement et leur mise en ligne sur le site litigieux ont été effectués par des opérateurs indépendants de l'annonceur, dont la compétence et le sérieux ont nullement été mise en doute par la société Carrefour ; qu'il retient, par motifs propres, que les constats d'huissiers et les documents versés aux débats par la société Carrefour se bornent à relater les mentions inscrites sur les tickets de caisse sauvegardés sans que puisse être directement inféré de celles-ci les prix affichés en rayon en l'absence de toute concordance obligée et démontrée entre ces derniers et les prix "facturés" reproduits sur lesdits tickets ; qu'il retient encore, toujours par motifs propres, que les tickets de caisse comme le logiciel de caisse n'établissent aucunement la réalité de l'offre ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise évoquée à la cinquième branche, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans inverser la charge de la preuve de l'exactitude des prix comparés, retenu que les allégations de la société Carrefour n'étaient pas fondées ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que la société Carrefour reproche à la société Galec une manipulation du prix dans le cadre de la mise en place et de la promotion du site litigieux en se prévalant d'une courbe de prix qui révélerait que les magasins exploités sous l'enseigne E. Leclerc auraient baissé leur prix pendant les périodes de relevés pour les remonter immédiatement après et auraient ainsi trompé le consommateur, l'arrêt retient que cette courbe est une courbe non pas de niveau de prix mais d'indice base 100 et signifie simplement que l'indice E. Leclerc a pu varier par rapport aux autres enseignes indépendamment de l'évolution déflationniste structurelle depuis septembre 2005 de celui-ci ; qu'il retient encore que les éléments dont la société Carrefour fait état se rapportent à un échantillonnage très limité de produits et ne présentent, en tout état de cause, aucun caractère démonstratif déterminant au regard du nombre considérable d'articles intégrés dans le comparateur de prix ; qu'ainsi, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise évoquée à la deuxième branche ;

Attendu, enfin, que la troisième branche, qui s'attaque à des motifs surabondants, est inopérante ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Carrefour hypermarchés France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Groupement d'achats des Centres Leclerc la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Carrefour Hypermarchés France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 mars 2007 en ce qu'il avait débouté la société CARREFOUR de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés GALEC et COLT du chef d'une publicité comparative illicite opérée sur le site "quiest le moins cher.com" ;

AUX MOTIFS QUE la société CARREFOUR prétend que des erreurs de relevés de prix ont été faites et que « le comparatif effectué pour l'ensemble des magasins CARREFOUR concernés par le site, entre les prix figurant sur le site et les prix réellement pratiqués, fait ressortir 9.597 erreurs, soit 15 %
de produits dont les prix sont erronés » ; que, plus précisément, si l'appelante déclare produire à cet effet un constat d'huissier permettant d'établir un taux d'erreurs de 97 % dans les prix relevés auprès du magasin de SAINT- BRICE-SOUS-FORET, il sera relevé que cette pièce de même que les différents autres constats et documents versés aux débats par la société CARREFOUR à l'appui de ses dires se bornent à relater les mentions inscrites sur les tickets de caisse sauvegardés sans que puisse être directement inféré desdites mentions les prix affichés en rayon en l'absence de toute concordance obligée et démontrée entre ces derniers et les prix « facturés » reproduits sur lesdits tickets ; que si la société CARREFOUR soutient, néanmoins, que « toute modification de prix en rayons est simultanément prise en compte par les caisses », elle n'apporte aucune justification à une telle affirmation ; que, bien au contraire, le prix affiché en rayon est la seule offre légale d'un commerçant et les tickets de caisse comme le logiciel de caisse n'établissent aucunement la réalité de l'offre ; qu'en effet, la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente ; qu'aucune preuve n'est apportée par la société CARREFOUR sur la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se fonder sur le constat auquel la société GALEC a fait elle-même procéder le 3 mai 2007 et dont l'appelante prétend qu'il serait entaché de nullité, cette dernière doit être regardée comme ne rapportant pas la preuve de ses allégations quant aux prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués par l'intimée ; que la société CARREFOUR reproche aussi à la société GALEC « une véritable manipulation du prix dans le cadre de la mise en place et de la promotion du site litigieux » ; que, si elle se fonde à l'appui de son affirmation sur une « courbe de prix » qu'elle produit et qui révélerait que les magasins exploités sous l'enseigne E. LECLERC auraient baissé leur prix pendant les périodes de relevés pour les remonter immédiatement après, trompant ainsi le consommateur, il ressort, cependant, de l'instruction que ladite courbe est une courbe non pas de niveau de prix mais d'indice base 100 et signifie simplement que l'indice E. LECLERC a pu varier par rapport aux autres enseignes indépendamment de l'évolution déflationniste structurelle depuis septembre 2005 de celui-ci, évolution prouvée par les documents versés aux débats à cet effet par l'intimée ; qu'au demeurant les « preuves » de la manipulation des prix dont fait état l'appelante se rapportent à un échantillonnage très limité de produits et ne présentent, en tout état de cause, aucun caractère démonstratif déterminant au regard du nombre considérable sus-rappelé d'articles intégrés dans le comparateur de prix (2.327 pour les versions 3 et 4, 2.389 pour la version 5 et 2.380 pour la version 6) ; que si la société CARREFOUR estime que le « site comparateur de prix de GALEC n'est décidément qu'un prétexte à des publicités mensongères et dénigrantes » et si elle déclare que « les publicités ayant accompagné en juin 2007 la mise en ligne de la quatrième version la ciblent de manière exclusive et dénigrante en mettant en avant son refus opposé aux émissaires du GALEC à l'accès à ses magasins », il convient, liminairement de rappeler que l'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement non une présomption de responsabilité qui repose sur l'article 1384 du code civil mais une faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, selon les modalités de l'article 1315 du code civil, incombe à celui qui s'en déclare victime ; que, par ailleurs, la concurrence déloyale par dénigrement dont il est présentement allégué suppose que celui qui l'invoque puisse démontrer, d'une part, la réalité de faits portant publiquement atteinte à sa notoriété ainsi qu'à sa valeur professionnelle, d'autre part, l'existence d'un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts ; qu'en l'espèce, en rappelant sur son comparateur de prix le refus opposé par la société CARREFOUR d'autoriser les enquêteurs préposés pour ce faire à effectuer d'éventuels relevés de prix dans les magasins de son groupe la société GALEC s'est bornée à mentionner un fait objectif, dont la matérialité n'est nullement contestée, qui ne fait luimême que traduire la liberté de l'opérateur économique concerné dans ses choix de stratégie commerciale, et qui ne saurait, dès lors, être considéré, en tant que tel, comme un quelconque acte de dénigrement ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucune faute ne peut être imputée à la société GALEC du fait de la publicité comparative qu'elle a mise en oeuvre au travers des versions 2 et suivantes du comparateur de prix proposé aux consommateurs, l'intéressée n'ayant fait qu'appliquer le principe du libre choix de l'annonceur sur l'objet de la comparaison et aucun fait de concurrence déloyale ne pouvant être davantage retenu à son encontre ;

1°/ ALORS QUE la publicité comparative n'est licite qu'à condition de ne pas être trompeuse et de ne pas induire en erreur, de porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et de comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, caractéristiques dont le prix peut faire partie ; que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ; qu'il appartient dès lors à l'annonceur d'établir la véracité des éléments de comparaison qu'il choisit de mettre en avant pour favoriser sa promotion et assurer au consommateur une information crédible ; que pour rejeter la demande de la société CARREFOUR qui, reprochant à la société GALEC et à la société COLT une publicité comparative illicite, faisait valoir que 97 % des prix relevés dans son magasin de Saint-Brice-sous-Forêt étaient erronés et que, pour deux autres magasins, le taux d'erreur était de 97 et 75 % et, de façon globale, de 15 % des prix donnés, la cour a jugé qu'elle n'apportait pas la preuve de ses affirmations ni de « la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées » et des « prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués » (arrêt, p.5, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, quand il appartenait à la société GALEC, dont la véracité des données était contestée, de les justifier, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, L.121-8 et L. 121-12 du code de la consommation ;

2°/ ALORS QUE la société CARREFOUR avait soutenu dans ses écritures (pp.39 ss.) que la société GALEC avait, parallèlement à la publication sur internet de chaque nouvelle version du site litigieux, développé une campagne considérable de publicité dans la presse et à la télévision après la période des relevés de prix et à un moment où, par conséquent, les prix avaient déjà subi une hausse substantielle ; qu'ainsi, comme elle l'a soutenu, cette publicité invitait les consommateurs à « augmenter leur pouvoir d'achat » (en achetant chez elle), en reprenant la synthèse, issue de son site, des écarts de prix des autres enseignes, établissant un lien direct entre ce slogan et ce site, alors que dans ce même temps de la diffusion de la publicité, ainsi que l'a fait établir la société CARREFOUR par huissier, huit magasins LECLERC, parmi ceux qui étaient retenus pour les relevés de prix, et pour plusieurs dizaines d'articles, avaient déjà augmenté leurs prix de plus de 10 % par rapport aux prix indiqués sur le site ; que la manipulation de prix était donc flagrante de la part de la société GALEC, laquelle prenait avantage d'une comparaison en s'attribuant des prix qui n'étaient aucunement les siens ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence et le contenu de ces publicités parallèles ne révélaient pas le caractère mensonger des indications de prix portées sur le site litigieux et s'ils n'étaient pas de nature à établir le dénigrement dont était l'objet la société CARREFOUR, présentée comme l'enseigne la plus chère sur le fondement d'indications de prix manifestement manipulées, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L.121-8 du code de la consommation ;

3°/ ALORS QUE si la publicité ne répond pas aux trois critères dont le respect est exigé par le code de la consommation, ce simple fait établit le caractère illicite et par suite déloyal de la publicité comparative, générateur par lui-même d'un préjudice et d'un trouble commercial ; que l'action en concurrence déloyale par dénigrement ne nécessite pas un rapport de concurrence ni, a fortiori, un risque de détournement de clientèle ; que pour justifier que la société GALEC n'aurait commis aucun acte de dénigrement et rejeter la demande présentée de ce chef par la société CARREFOUR, la cour retient que cette dernière n'établit pas que les éléments de fait reprochés présenteraient « un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts » ; qu'en soumettant ainsi l'action de la société CARREFOUR à une condition que la loi ne comporte pas, la cour a violé les articles 1382 du code civil et L.121-8 du code de la consommation ;

4°/ ALORS QUE la publicité comparative n'est licite que si, notamment, elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur et si elle compare des caractéristiques vérifiables des produits comparés, dont le prix peut faire partie ; qu'un commerçant dont les produits peuvent être l'objet d'une publicité comparative n'a aucun moyen, dans l'éventualité de litiges ultérieurs, de se pré-constituer la preuve des prix qu'il pratique, puisqu'il ignore à la fois le jour où son ou ses concurrents opéreront leurs relevés et les produits sur lesquels ceux-ci porteront ; que ne connaissant qu'a posteriori la date des relevés et les produits sur lesquels ils ont porté, ce n'est qu'alors qu'il sera en mesure de vérifier la véracité des informations données sur les prix et de faire constater leur éventuelle fausseté ; que le seul moyen sera alors apporté par les tickets de caisse mentionnant les prix payés au jour des relevés par le consommateur, pour les produits concernés, distincts de toute remise, ces prix réclamés en caisse ne pouvant alors être que les prix affichés en rayon et sur lesquels le consommateur s'est déterminé à l'achat ; qu'en l'espèce, pour établir que les prix indiqués sur le site litigieux étaient erronés, la société CARREFOUR, qui dispose pour chaque magasin d'un système de tickets de caisse archivé, a fait procéder à des constats d'huissier, versés aux débats, permettant de retenir que les prix publiés par la société GALEC comportaient un taux d'erreur de 15 % pour l'ensemble des magasins CARREFOUR voire, pour le seul magasin de Saint-Brice-sous-Forêt, un taux d'erreur de 97 % ; qu'en refusant par principe à la société CARREFOUR, dont les prix étaient comparés, toute possibilité de faire valoir les tickets de caisse, lesquels constituaient pourtant son seul et unique moyen d'établir la fausseté des données publiquement diffusées par la société GALEC sur ses prix, et en rendant ainsi invérifiables ces mêmes données, contrairement aux exigences de la loi, la cour a violé l'article L. 121-8 du code de la consommation, ensemble l'article 1315 du code civil ;

5°/ ALORS QUE si le prix affiché en rayon pour un produit déterminé constitue l'offre légale du commerçant, le ticket de caisse constatant le prix payé pour ce produit ne peut être écarté, comme élément de vérification de la véracité d'une publicité comparative, si ce ticket fait apparaître un prix qui n'est affecté par aucune remise, de sorte qu'il s'identifie nécessairement au prix qui, en rayon, a déterminé l'achat du consommateur ; qu'en l'espèce, la société CARREFOUR a soutenu, d'une part, que sa carte fidélité ne donnait lieu à aucune réduction en caisse et, d'autre part, que les réductions éventuellement accordées aux clients, en caisse, ne s'appliquaient pas directement sur le prix de chaque article, mais séparément, en déduction du total facturé qui était indiqué (concl. p. 26) ; qu'il s'ensuivait que ces tickets présentaient, pour chaque article, un prix clairement identifiable qui, distinct de toute remise, ne pouvait correspondre qu'au prix affiché en rayon, c'est-à-dire à l'offre légale du commerçant ; qu'en décidant pourtant d'écarter ces tickets de caisse, au motif général et ici inopérant que « la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente », sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si les tickets de caisse invoqués ne présentaient pas précisément des prix nets de remise, correspondant ainsi nécessairement au prix affiché en rayon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article L. 121-8 du code de commerce.

Dénigrement d'un promoteur par site internet

Sur le site Legalis un jugement rendu contre une cliente mécontente d'un promoteur.