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lundi, 30 août 2010

Carrefour, Leclerc et la comparaison des prix par site internet

Un arrêt sur cette guerre :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2008), qu'en mai 2006, la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc (la société Galec) a ouvert un site internet, hébergé par la société Colt Télécommunications (la société Colt), ayant pour objet la comparaison des prix pratiqués par les grandes enseignes de la distribution pour la vente de nombreux produits ; que la suspension de l'exploitation et de l'édition de ce site a été ordonnée par le juge des référés, saisi par la société Carrefour hypermarchés France (la société Carrefour), compte tenu du caractère non vérifiable des paramètres de la comparaison ; qu'à la suite de l'ouverture d'un nouveau site de comparateur de prix en 2007, la société Carrefour, estimant que les versions successives de celui-ci contreviendraient encore une fois au règles de la publicité comparative, a assigné au fond les sociétés Galec et Colt en indemnisation de son préjudice et en cessation de la diffusion de celles-ci ;

Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la publicité comparative n'est licite qu'à condition de ne pas être trompeuse et de ne pas induire en erreur, de porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et de comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, caractéristiques dont le prix peut faire partie ; que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ; qu'il appartient dès lors à l'annonceur d'établir la véracité des éléments de comparaison qu'il choisit de mettre en avant pour favoriser sa promotion et assurer au consommateur une information crédible ; que pour rejeter la demande de la société Carrefour qui, reprochant à la société Galec et à la société Colt une publicité comparative illicite, faisait valoir que 97 % des prix relevés dans son magasin de Saint-Brice-sous-Forêt étaient erronés et que, pour deux autres magasins, le taux d'erreur était de 97 et 75 % et, de façon globale, de 15 % des prix donnés, la cour a jugé qu'elle n'apportait pas la preuve de ses affirmations ni de « la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées » et des « prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués » (arrêt, p.5, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, quand il appartenait à la société Galec, dont la véracité des données était contestée, de les justifier, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, L. 121-8 et L. 121-12 du code de la consommation ;

2°/ que la société Carrefour avait soutenu dans ses écritures (pp.39 ss.) que la société Galec avait, parallèlement à la publication sur internet de chaque nouvelle version du site litigieux, développé une campagne considérable de publicité dans la presse et à la télévision après la période des relevés de prix et à un moment où, par conséquent, les prix avaient déjà subi une hausse substantielle ; qu'ainsi, comme elle l'a soutenu, cette publicité invitait les consommateurs à «augmenter leur pouvoir d'achat» (en achetant chez elle), en reprenant la synthèse, issue de son site, des écarts de prix des autres enseignes, établissant un lien direct entre ce slogan et ce site, alors que dans ce même temps de la diffusion de la publicité, ainsi que l'a fait établir la société Carrefour par huissier, huit magasins Leclerc, parmi ceux qui étaient retenus pour les relevés de prix, et pour plusieurs dizaines d'articles, avaient déjà augmenté leurs prix de plus de 10 % par rapport aux prix indiqués sur le site ; que la manipulation de prix était donc flagrante de la part de la société Galec, laquelle prenait avantage d'une comparaison en s'attribuant des prix qui n'étaient aucunement les siens ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence et le contenu de ces publicités parallèles ne révélaient pas le caractère mensonger des indications de prix portées sur le site litigieux et s'ils n'étaient pas de nature à établir le dénigrement dont était l'objet la société Carrefour, présentée comme l'enseigne la plus chère sur le fondement d'indications de prix manifestement manipulées, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 121-8 du code de la consommation ;

3°/ que, si la publicité ne répond pas aux trois critères dont le respect est exigé par le code de la consommation, ce simple fait établit le caractère illicite et par suite déloyal de la publicité comparative, générateur par lui-même d'un préjudice et d'un trouble commercial ; que l'action en concurrence déloyale par dénigrement ne nécessite pas un rapport de concurrence ni, a fortiori, un risque de détournement de clientèle ; que pour justifier que la société Galec n'aurait commis aucun acte de dénigrement et rejeter la demande présentée de ce chef par la société Carrefour, la cour retient que cette dernière n'établit pas que les éléments de fait reprochés présenteraient «un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts» ; qu'en soumettant ainsi l'action de la société Carrefour à une condition que la loi ne comporte pas, la cour a violé les articles 1382 du code civil et L. 121-8 du code de la consommation ;

4°/ que la publicité comparative n'est licite que si, notamment, elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur et si elle compare des caractéristiques vérifiables des produits comparés, dont le prix peut faire partie ; qu'un commerçant dont les produits peuvent être l'objet d'une publicité comparative n'a aucun moyen, dans l'éventualité de litiges ultérieurs, de se pré-constituer la preuve des prix qu'il pratique, puisqu'il ignore à la fois le jour où son ou ses concurrents opéreront leurs relevés et les produits sur lesquels ceux-ci porteront ; que ne connaissant qu'a posteriori la date des relevés et les produits sur lesquels ils ont porté, ce n'est qu'alors qu'il sera en mesure de vérifier la véracité des informations données sur les prix et de faire constater leur éventuelle fausseté ; que le seul moyen sera alors apporté par les tickets de caisse mentionnant les prix payés au jour des relevés par le consommateur, pour les produits concernés, distincts de toute remise, ces prix réclamés en caisse ne pouvant alors être que les prix affichés en rayon et sur lesquels le consommateur s'est déterminé à l'achat ; qu'en l'espèce, pour établir que les prix indiqués sur le site litigieux étaient erronés, la société Carrefour, qui dispose pour chaque magasin d'un système de tickets de caisse archivé, a fait procéder à des constats d'huissier, versés aux débats, permettant de retenir que les prix publiés par la société Galec comportaient un taux d'erreur de 15 % pour l'ensemble des magasins Carrefour, voire, pour le seul magasin de Saint-Brice-sous-Forêt, un taux d'erreur de 97 % ; qu'en refusant par principe à la société Carrefour, dont les prix étaient comparés, toute possibilité de faire valoir les tickets de caisse, lesquels constituaient pourtant son seul et unique moyen d'établir la fausseté des données publiquement diffusées par la société Galec sur ses prix, et en rendant ainsi invérifiables ces mêmes données, contrairement aux exigences de la loi, la cour a violé l'article L. 121-8 du code de la consommation, ensemble l'article 1315 du code civil ;

5°/ que, si le prix affiché en rayon pour un produit déterminé constitue l'offre légale du commerçant, le ticket de caisse constatant le prix payé pour ce produit ne peut être écarté, comme élément de vérification de la véracité d'une publicité comparative, si ce ticket fait apparaître un prix qui n'est affecté par aucune remise, de sorte qu'il s'identifie nécessairement au prix qui, en rayon, a déterminé l'achat du consommateur ; qu'en l'espèce, la société Carrefour a soutenu, d'une part, que sa carte fidélité ne donnait lieu à aucune réduction en caisse et, d'autre part, que les réductions éventuellement accordées aux clients, en caisse, ne s'appliquaient pas directement sur le prix de chaque article, mais séparément, en déduction du total facturé qui était indiqué (concl. p. 26) ; qu'il s'ensuivait que ces tickets présentaient, pour chaque article, un prix clairement identifiable qui, distinct de toute remise, ne pouvait correspondre qu'au prix affiché en rayon, c'est-à-dire à l'offre légale du commerçant ; qu'en décidant pourtant d'écarter ces tickets de caisse, au motif général et ici inopérant que «la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente», sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si les tickets de caisse invoqués ne présentaient pas précisément des prix nets de remise, correspondant ainsi nécessairement au prix affiché en rayon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article L. 121-8 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate, par motifs adoptés, que la totalité des relevés de prix en rayons, leur contrôle, leur enregistrement et leur mise en ligne sur le site litigieux ont été effectués par des opérateurs indépendants de l'annonceur, dont la compétence et le sérieux ont nullement été mise en doute par la société Carrefour ; qu'il retient, par motifs propres, que les constats d'huissiers et les documents versés aux débats par la société Carrefour se bornent à relater les mentions inscrites sur les tickets de caisse sauvegardés sans que puisse être directement inféré de celles-ci les prix affichés en rayon en l'absence de toute concordance obligée et démontrée entre ces derniers et les prix "facturés" reproduits sur lesdits tickets ; qu'il retient encore, toujours par motifs propres, que les tickets de caisse comme le logiciel de caisse n'établissent aucunement la réalité de l'offre ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise évoquée à la cinquième branche, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans inverser la charge de la preuve de l'exactitude des prix comparés, retenu que les allégations de la société Carrefour n'étaient pas fondées ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que la société Carrefour reproche à la société Galec une manipulation du prix dans le cadre de la mise en place et de la promotion du site litigieux en se prévalant d'une courbe de prix qui révélerait que les magasins exploités sous l'enseigne E. Leclerc auraient baissé leur prix pendant les périodes de relevés pour les remonter immédiatement après et auraient ainsi trompé le consommateur, l'arrêt retient que cette courbe est une courbe non pas de niveau de prix mais d'indice base 100 et signifie simplement que l'indice E. Leclerc a pu varier par rapport aux autres enseignes indépendamment de l'évolution déflationniste structurelle depuis septembre 2005 de celui-ci ; qu'il retient encore que les éléments dont la société Carrefour fait état se rapportent à un échantillonnage très limité de produits et ne présentent, en tout état de cause, aucun caractère démonstratif déterminant au regard du nombre considérable d'articles intégrés dans le comparateur de prix ; qu'ainsi, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise évoquée à la deuxième branche ;

Attendu, enfin, que la troisième branche, qui s'attaque à des motifs surabondants, est inopérante ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Carrefour hypermarchés France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Groupement d'achats des Centres Leclerc la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Carrefour Hypermarchés France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 mars 2007 en ce qu'il avait débouté la société CARREFOUR de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés GALEC et COLT du chef d'une publicité comparative illicite opérée sur le site "quiest le moins cher.com" ;

AUX MOTIFS QUE la société CARREFOUR prétend que des erreurs de relevés de prix ont été faites et que « le comparatif effectué pour l'ensemble des magasins CARREFOUR concernés par le site, entre les prix figurant sur le site et les prix réellement pratiqués, fait ressortir 9.597 erreurs, soit 15 %
de produits dont les prix sont erronés » ; que, plus précisément, si l'appelante déclare produire à cet effet un constat d'huissier permettant d'établir un taux d'erreurs de 97 % dans les prix relevés auprès du magasin de SAINT- BRICE-SOUS-FORET, il sera relevé que cette pièce de même que les différents autres constats et documents versés aux débats par la société CARREFOUR à l'appui de ses dires se bornent à relater les mentions inscrites sur les tickets de caisse sauvegardés sans que puisse être directement inféré desdites mentions les prix affichés en rayon en l'absence de toute concordance obligée et démontrée entre ces derniers et les prix « facturés » reproduits sur lesdits tickets ; que si la société CARREFOUR soutient, néanmoins, que « toute modification de prix en rayons est simultanément prise en compte par les caisses », elle n'apporte aucune justification à une telle affirmation ; que, bien au contraire, le prix affiché en rayon est la seule offre légale d'un commerçant et les tickets de caisse comme le logiciel de caisse n'établissent aucunement la réalité de l'offre ; qu'en effet, la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente ; qu'aucune preuve n'est apportée par la société CARREFOUR sur la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se fonder sur le constat auquel la société GALEC a fait elle-même procéder le 3 mai 2007 et dont l'appelante prétend qu'il serait entaché de nullité, cette dernière doit être regardée comme ne rapportant pas la preuve de ses allégations quant aux prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués par l'intimée ; que la société CARREFOUR reproche aussi à la société GALEC « une véritable manipulation du prix dans le cadre de la mise en place et de la promotion du site litigieux » ; que, si elle se fonde à l'appui de son affirmation sur une « courbe de prix » qu'elle produit et qui révélerait que les magasins exploités sous l'enseigne E. LECLERC auraient baissé leur prix pendant les périodes de relevés pour les remonter immédiatement après, trompant ainsi le consommateur, il ressort, cependant, de l'instruction que ladite courbe est une courbe non pas de niveau de prix mais d'indice base 100 et signifie simplement que l'indice E. LECLERC a pu varier par rapport aux autres enseignes indépendamment de l'évolution déflationniste structurelle depuis septembre 2005 de celui-ci, évolution prouvée par les documents versés aux débats à cet effet par l'intimée ; qu'au demeurant les « preuves » de la manipulation des prix dont fait état l'appelante se rapportent à un échantillonnage très limité de produits et ne présentent, en tout état de cause, aucun caractère démonstratif déterminant au regard du nombre considérable sus-rappelé d'articles intégrés dans le comparateur de prix (2.327 pour les versions 3 et 4, 2.389 pour la version 5 et 2.380 pour la version 6) ; que si la société CARREFOUR estime que le « site comparateur de prix de GALEC n'est décidément qu'un prétexte à des publicités mensongères et dénigrantes » et si elle déclare que « les publicités ayant accompagné en juin 2007 la mise en ligne de la quatrième version la ciblent de manière exclusive et dénigrante en mettant en avant son refus opposé aux émissaires du GALEC à l'accès à ses magasins », il convient, liminairement de rappeler que l'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement non une présomption de responsabilité qui repose sur l'article 1384 du code civil mais une faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, selon les modalités de l'article 1315 du code civil, incombe à celui qui s'en déclare victime ; que, par ailleurs, la concurrence déloyale par dénigrement dont il est présentement allégué suppose que celui qui l'invoque puisse démontrer, d'une part, la réalité de faits portant publiquement atteinte à sa notoriété ainsi qu'à sa valeur professionnelle, d'autre part, l'existence d'un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts ; qu'en l'espèce, en rappelant sur son comparateur de prix le refus opposé par la société CARREFOUR d'autoriser les enquêteurs préposés pour ce faire à effectuer d'éventuels relevés de prix dans les magasins de son groupe la société GALEC s'est bornée à mentionner un fait objectif, dont la matérialité n'est nullement contestée, qui ne fait luimême que traduire la liberté de l'opérateur économique concerné dans ses choix de stratégie commerciale, et qui ne saurait, dès lors, être considéré, en tant que tel, comme un quelconque acte de dénigrement ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucune faute ne peut être imputée à la société GALEC du fait de la publicité comparative qu'elle a mise en oeuvre au travers des versions 2 et suivantes du comparateur de prix proposé aux consommateurs, l'intéressée n'ayant fait qu'appliquer le principe du libre choix de l'annonceur sur l'objet de la comparaison et aucun fait de concurrence déloyale ne pouvant être davantage retenu à son encontre ;

1°/ ALORS QUE la publicité comparative n'est licite qu'à condition de ne pas être trompeuse et de ne pas induire en erreur, de porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et de comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, caractéristiques dont le prix peut faire partie ; que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ; qu'il appartient dès lors à l'annonceur d'établir la véracité des éléments de comparaison qu'il choisit de mettre en avant pour favoriser sa promotion et assurer au consommateur une information crédible ; que pour rejeter la demande de la société CARREFOUR qui, reprochant à la société GALEC et à la société COLT une publicité comparative illicite, faisait valoir que 97 % des prix relevés dans son magasin de Saint-Brice-sous-Forêt étaient erronés et que, pour deux autres magasins, le taux d'erreur était de 97 et 75 % et, de façon globale, de 15 % des prix donnés, la cour a jugé qu'elle n'apportait pas la preuve de ses affirmations ni de « la réalité précise et concrète de son offre en rayon, unique moyen qui aurait été susceptible de démontrer l'effectivité des erreurs alléguées » et des « prétendues erreurs entachant les relevés de prix effectués » (arrêt, p.5, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, quand il appartenait à la société GALEC, dont la véracité des données était contestée, de les justifier, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, L.121-8 et L. 121-12 du code de la consommation ;

2°/ ALORS QUE la société CARREFOUR avait soutenu dans ses écritures (pp.39 ss.) que la société GALEC avait, parallèlement à la publication sur internet de chaque nouvelle version du site litigieux, développé une campagne considérable de publicité dans la presse et à la télévision après la période des relevés de prix et à un moment où, par conséquent, les prix avaient déjà subi une hausse substantielle ; qu'ainsi, comme elle l'a soutenu, cette publicité invitait les consommateurs à « augmenter leur pouvoir d'achat » (en achetant chez elle), en reprenant la synthèse, issue de son site, des écarts de prix des autres enseignes, établissant un lien direct entre ce slogan et ce site, alors que dans ce même temps de la diffusion de la publicité, ainsi que l'a fait établir la société CARREFOUR par huissier, huit magasins LECLERC, parmi ceux qui étaient retenus pour les relevés de prix, et pour plusieurs dizaines d'articles, avaient déjà augmenté leurs prix de plus de 10 % par rapport aux prix indiqués sur le site ; que la manipulation de prix était donc flagrante de la part de la société GALEC, laquelle prenait avantage d'une comparaison en s'attribuant des prix qui n'étaient aucunement les siens ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence et le contenu de ces publicités parallèles ne révélaient pas le caractère mensonger des indications de prix portées sur le site litigieux et s'ils n'étaient pas de nature à établir le dénigrement dont était l'objet la société CARREFOUR, présentée comme l'enseigne la plus chère sur le fondement d'indications de prix manifestement manipulées, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L.121-8 du code de la consommation ;

3°/ ALORS QUE si la publicité ne répond pas aux trois critères dont le respect est exigé par le code de la consommation, ce simple fait établit le caractère illicite et par suite déloyal de la publicité comparative, générateur par lui-même d'un préjudice et d'un trouble commercial ; que l'action en concurrence déloyale par dénigrement ne nécessite pas un rapport de concurrence ni, a fortiori, un risque de détournement de clientèle ; que pour justifier que la société GALEC n'aurait commis aucun acte de dénigrement et rejeter la demande présentée de ce chef par la société CARREFOUR, la cour retient que cette dernière n'établit pas que les éléments de fait reprochés présenteraient « un risque de détournement de la clientèle potentiellement intéressée par les prestations et produits offerts » ; qu'en soumettant ainsi l'action de la société CARREFOUR à une condition que la loi ne comporte pas, la cour a violé les articles 1382 du code civil et L.121-8 du code de la consommation ;

4°/ ALORS QUE la publicité comparative n'est licite que si, notamment, elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur et si elle compare des caractéristiques vérifiables des produits comparés, dont le prix peut faire partie ; qu'un commerçant dont les produits peuvent être l'objet d'une publicité comparative n'a aucun moyen, dans l'éventualité de litiges ultérieurs, de se pré-constituer la preuve des prix qu'il pratique, puisqu'il ignore à la fois le jour où son ou ses concurrents opéreront leurs relevés et les produits sur lesquels ceux-ci porteront ; que ne connaissant qu'a posteriori la date des relevés et les produits sur lesquels ils ont porté, ce n'est qu'alors qu'il sera en mesure de vérifier la véracité des informations données sur les prix et de faire constater leur éventuelle fausseté ; que le seul moyen sera alors apporté par les tickets de caisse mentionnant les prix payés au jour des relevés par le consommateur, pour les produits concernés, distincts de toute remise, ces prix réclamés en caisse ne pouvant alors être que les prix affichés en rayon et sur lesquels le consommateur s'est déterminé à l'achat ; qu'en l'espèce, pour établir que les prix indiqués sur le site litigieux étaient erronés, la société CARREFOUR, qui dispose pour chaque magasin d'un système de tickets de caisse archivé, a fait procéder à des constats d'huissier, versés aux débats, permettant de retenir que les prix publiés par la société GALEC comportaient un taux d'erreur de 15 % pour l'ensemble des magasins CARREFOUR voire, pour le seul magasin de Saint-Brice-sous-Forêt, un taux d'erreur de 97 % ; qu'en refusant par principe à la société CARREFOUR, dont les prix étaient comparés, toute possibilité de faire valoir les tickets de caisse, lesquels constituaient pourtant son seul et unique moyen d'établir la fausseté des données publiquement diffusées par la société GALEC sur ses prix, et en rendant ainsi invérifiables ces mêmes données, contrairement aux exigences de la loi, la cour a violé l'article L. 121-8 du code de la consommation, ensemble l'article 1315 du code civil ;

5°/ ALORS QUE si le prix affiché en rayon pour un produit déterminé constitue l'offre légale du commerçant, le ticket de caisse constatant le prix payé pour ce produit ne peut être écarté, comme élément de vérification de la véracité d'une publicité comparative, si ce ticket fait apparaître un prix qui n'est affecté par aucune remise, de sorte qu'il s'identifie nécessairement au prix qui, en rayon, a déterminé l'achat du consommateur ; qu'en l'espèce, la société CARREFOUR a soutenu, d'une part, que sa carte fidélité ne donnait lieu à aucune réduction en caisse et, d'autre part, que les réductions éventuellement accordées aux clients, en caisse, ne s'appliquaient pas directement sur le prix de chaque article, mais séparément, en déduction du total facturé qui était indiqué (concl. p. 26) ; qu'il s'ensuivait que ces tickets présentaient, pour chaque article, un prix clairement identifiable qui, distinct de toute remise, ne pouvait correspondre qu'au prix affiché en rayon, c'est-à-dire à l'offre légale du commerçant ; qu'en décidant pourtant d'écarter ces tickets de caisse, au motif général et ici inopérant que « la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les seuls prix affichés en magasin, nets des remises faites dans le point de vente », sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si les tickets de caisse invoqués ne présentaient pas précisément des prix nets de remise, correspondant ainsi nécessairement au prix affiché en rayon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article L. 121-8 du code de commerce.

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