vendredi, 20 août 2010
Violation de la législation sur le démarchage à domicile et dommages et intérêts
Un arrêt qui admet cette indemnisation en cas de violation de la législation sur le démarchage à domicile :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ; Statuant sur les pourvois formés par : - X... Lucien, - Y... Claude, épouse X..., - Z... Félix, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 7 septembre 2005, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre Serge A..., des chefs d'escroqueries et infractions à la législation sur le démarchage à domicile, a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, ainsi que le mémoire en défense ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Serge A..., qui avait démarché des clients à domicile pour leur vendre des timbres de collection et des ouvrages de bibliophilie, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroqueries et infractions à la législation sur le démarchage à domicile, pour avoir omis d'informer les acquéreurs de leur faculté de rétractation, délit prévu et réprimé par les articles L. 121-23, L. 121-25 et L. 121-28 du Code de la consommation ; que le tribunal l'a relaxé du premier chef et condamné pour le second ; que, constitués parties civiles, les époux X... et Félix Z... ont été déboutés de leurs demandes en dommages-intérêts ; que, sur leurs seuls appels, la juridiction du second degré, après avoir estimé que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie étaient réunis, a condamné Serge A... à des réparations civiles ; que, le 29 juin 2004, la Cour de cassation a cassé cette décision en ses seules dispositions civiles ; que, par l'arrêt attaqué, la juridiction de renvoi, après avoir estimé que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie n'étaient pas réunis et après avoir constaté le caractère définitif de la condamnation de Serge A... pour infractions à la législation sur le démarchage, a débouté les époux X... et Félix Z... de leurs demandes de dommages-intérêts ; En cet état : Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils, a rejeté les demandes des époux X... et de Félix Z... ; "aux motifs que Serge A... vendait à ses clients les livres anciens et lettres autographes, qu'il achetait lui-même à Alain B..., soit directement, soit par l'intermédiaire de Patrick C... ; que la valeur et l'authenticité de ces articles étaient attestées par des certificats établis par Alain B..., qui n'avait aucune qualité pour le faire et dont la fraude a précisément consisté en leur surévaluation ; que cependant, malgré la durée des relations professionnelles entre Alain B... et Serge A..., il n'est pas démontré que celui-ci ait eu conscience du caractère mensonger des évaluations émanant de celui-là ; que le fait qu'il ait placé de tels produits auprès de ses proches et qu'il ait communiqué à l'un de ses clients le nom d'un expert pour procéder à l'évaluation des biens vendus, tend à accréditer son absence d'intention dolosive ; qu'il en résulte que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie ne sont pas réunis à l'encontre de Serge A..., lequel doit à tout le moins bénéficier de l'existence du doute ; "alors, d'une part, qu'il y a manoeuvre frauduleuse constitutive de l'escroquerie à produire un écrit, même authentique et non altéré, émanant d'un tiers, attestant de la véracité du mensonge initial ; que l'arrêt énonce que Serge A... vendait à ses clients des documents dont la valeur était attestée par des certificats établis par Alain B... qui n'avait aucune qualité pour le faire et dont la fraude a précisément consisté en leur surévaluation, ce dont il résulte que le prévenu a communiqué à ses clients des écrits destinés à attester de la véracité du mensonge initial, consistant en une surévaluation de la valeur des pièces qu'il leur proposait ; qu'en déboutant les parties civiles de leur demande de dommages-intérêts, après avoir cependant ainsi caractérisé l'escroquerie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; "alors, d'autre part, que l'escroquerie ne requiert pas un dol spécial mais seulement un dol général ; qu'en déduisant l'absence d'intention dolosive de Serge A... de l'absence de preuve de ce qu'il aurait eu conscience du caractère mensonger des évaluations d'Alain B..., c'est-à-dire de l'absence de dol spécial, sans se prononcer sur la connaissance par Serge A... du caractère frauduleux des placements qu'il proposait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve du délit d'escroquerie n'était pas rapportée à la charge de Serge A..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ; D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ; Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-23, L .121-24, L. 121-25, L. 121-26, L. 121-28 et L. 121-31 du Code de la consommation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils, a rejeté les demandes des époux X... et de Félix Z... ; "aux motifs que le tribunal a déclaré Serge A... coupable d'infraction à la législation sur le démarchage à domicile, pour avoir omis de faire bénéficier ses clients de la faculté de renonciation à leur engagement d'achat ; que de ce chef, le jugement déféré est définitif ; que les parties civiles demandent, chacune en ce qui la concerne, réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de revendre les articles litigieux à un prix comparable à celui versé pour les acquérir, jusqu'à dix fois supérieur à leur valeur vénale ; mais attendu qu'un tel préjudice, qui n'est pas sérieusement contestable, ne résulte pas en l'espèce de l'infraction à la législation sur le démarchage à domicile, reprochée à Serge A... ; qu'en effet, aucune des parties civiles n'établit, ni même n'allègue, avoir eu l'intention de renoncer à son engagement d'achat dans le délai prévu par l'article L. 121-25 du Code de la consommation ; que la moins-value subie par chacune d'entre elles est indépendante de l'absence d'information de la part du vendeur sur le délai dans lequel elle pouvait exercer son droit de rétractation ; qu'ainsi, il n'existe pas de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice ; "alors, d'une part, qu'à l'occasion des poursuites pénales exercées contre le vendeur, le prestataire de services ou le démarcheur pour infraction à la législation sur le démarchage à domicile, le client qui s'est constitué partie civile est recevable à demander devant la juridiction répressive une somme égale au montant des paiements effectués ou des effets souscrits, sans préjudice de tous dommages-intérêts ; qu'en rejetant les demandes de restitution des sommes versées et de dommages-intérêts présentées par les parties civiles, aux motifs inopérants qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice, et que la moins-value subie par chacune des parties civiles est indépendante de l'absence d'information de la part du vendeur sur le délai dans lequel elle pouvait exercer son droit de rétractation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ; "alors, d'autre part, que l'action civile a pour objet la réparation d'un préjudice qui trouve directement sa source dans l'infraction poursuivie ; que le préjudice subi par les parties civiles a trouvé directement sa source dans l'infraction à la législation sur le démarchage à domicile dont le prévenu a été déclaré coupable, dès lors que sans ce démarchage irrégulier, elles n'auraient pas été convaincues d'acquérir à un prix dix fois supérieur à leur valeur vénale les articles qui leur ont été proposés à cette occasion ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ; "alors enfin, et en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher si l'absence d'information de la part du vendeur aux parties civiles sur le délai dans lequel elles pouvaient exercer leur droit de rétractation n'avait pas fait perdre à ces dernières une chance de renoncer à leur achat et donc de ne pas subir le préjudice dont elles demandaient réparation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ; Vu l'article L. 121-31 du Code de la consommation ; Attendu que, selon ce texte, à l'occasion des poursuites pénales exercées en application, notamment, de l'article L. 121-23 contre le vendeur, le prestataire de services ou le démarcheur, le client qui s'est constitué partie civile est recevable à demander devant la juridiction répressive une somme égale au montant des paiements effectués ou des effets souscrits, sans préjudice de tous dommages-intérêts ; Attendu que, pour écarter les demandes d'indemnisation des parties civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que celles-ci réclamaient réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de revendre les articles litigieux à un prix comparable à celui mis pour les acquérir, relève l'absence de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice, dès lors qu'aucun des demandeurs n'a allégué avoir eu l'intention de renoncer à son engagement d'achat dans le délai de rétractation prévu par l'article L. 121-25 du Code de la consommation ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les demandes des parties civiles étaient nécessairement fondées sur les dispositions de l'article L. 121-31 susvisé, au demeurant expressément invoqué dans les conclusions des époux X..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée dudit texte ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs, CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 septembre 2005, en ses seules dispositions ayant rejeté les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des infractions à la législation sur le démarchage à domicile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, FIXE à 3 000 euros la somme que Serge A... devra payer aux époux X... et à Félix Z..., indivisément, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : M. Souchon ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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Contrat d'amodiation et clause abusive
Un arrêt de la Cour de Cassation sur ce sujet :
Vu l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu qu'en vertu d'un contrat d'amodiation conclu le 18 mai 2000 avec la société Port Deauville (la société), concessionnaire de l'exploitation du port de plaisance de Deauville pour une durée de cinquante ans à compter du 1er janvier 1972, M. X... est devenu amodiataire d'un poste d'amarrage et de mouillage pour une durée fixée par l'article 1er du contrat à celle de la concession ; qu'ayant vendu son bateau, il a, par lettre du 13 juin 2006, notifié la résiliation du contrat avec effet au 20 juin 2006, précisant être à jour des charges afférentes à l'emplacement en cause ; qu'assigné en paiement d'un complément de charges portuaires au titre de l'année 2006 et des charges de l'année 2007, il a opposé le caractère abusif de la clause fixant la durée de l'amodiation à celle de la concession ;
Attendu que, pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse et condamner M. X... à payer à la société les sommes par elle réclamées, le jugement attaqué énonce, d'abord, que la durée du contrat, qui est longue, s'explique par la nature du contrat portant occupation du domaine maritime de l'Etat, qu'elle a été contradictoirement acceptée par l'amodiataire lors de la signature du contrat, qu'elle s'impose donc aux deux parties et qu'il n'existe pas de déséquilibre entre les droits et obligations des deux parties, tenues l'une comme l'autre par cette durée, ensuite, que, si l'article 5 du contrat interdit à l'amodiataire de céder ou de sous-louer l'emplacement, cette règle est toutefois limitée par le règlement de police applicable au port de plaisance qui prévoit, en son article 27, alinéa 2, qu'en cas de vente d'un navire, le poste d'accostage concerné ne peut faire l'objet d'un transfert de jouissance, de la part du titulaire, au profit du nouveau propriétaire sans un accord formel du concessionnaire, de sorte qu'il appartient à M. X... de faire le nécessaire et qu'il ne peut se voir déchargé de ses obligations contractuelles concernant la durée de la convention, enfin, que, s'il est établi et non contesté que la société a mis l'emplacement à la disposition de tiers, ce fait constitue l'application de l'article 26 du règlement précité qui l'autorise à disposer de l'emplacement toutes les fois que l'amodiataire le libère pendant plus de sept jours sans effectuer une déclaration d'absence ;
Qu'en se déterminant ainsi, quand l'article 1er du contrat d'amodiation a pour objet et pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels pendant la durée de la concession en lui imposant de payer les charges portuaires afférentes à l'emplacement amodié, sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, et alors que, d'une part, l'article 5 lui interdit de céder ou sous-louer l'emplacement, tandis que le règlement de police du port ne prévoit la possibilité d'un transfert de jouissance du poste d'accostage qu'en cas de vente d'un navire et assujettit ce transfert à un accord formel du concessionnaire, et que, d'autre part, la société est autorisée à disposer de l'emplacement au profit de tiers passé un délai d'inoccupation de sept jours, de sorte que la société ne justifie pas d'un préjudice en cas de résiliation moyennant un préavis de sept jours ; qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la clause contenue à l'article 1er du contrat d'amodiation est donc abusive et, partant, réputée non écrite ; que, dès lors, la juridiction de proximité a violé, par refus d'application, les dispositions du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité de Pont-L'Evêque ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Lisieux ;
Condamne la société Port Deauville aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Port Deauville à verser à M. X... la somme de 2.000 € ; rejette la demande de la société.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné Monsieur X... au paiement de la somme de 1.773,26 € avec intérêts au taux de 1 % à compter du 5 juillet 2007 et ce, jusqu'à complet paiement au profit de la société Port Deauville ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1er du contrat d'amodiation fixe la durée du contrat à celle de la concession du Port de Plaisance de Deauville ; qu'il est indiqué, page 1, que « l'amodiataire déclare avoir pris parfaite connaissance de la dite concession et du cahier des charges sus énoncés et être en possession d'une copie de ces documents » ; que l'article 7 du contrat d'amodiation précise qu'une copie de la concession lui est remise et dans ce contrat l'article 42 fixe la durée de la concession à 50 ans à partir du 1er janvier suivant la date de l'acte de concession soit le 1er janvier 1972 ; que certes la durée du contrat est longue mais elle s'explique par la nature du contrat portant occupation du domaine maritime de l'Etat et elle a été contractuellement acceptée par Monsieur Pierre X... lors de la signature du contrat ; qu'elle s'impose donc aux deux parties et il n'existe pas de déséquilibre entre les droits et obligations des deux parties qui sont tenues l'une comme l'autre par cette durée ; que certes l'article 5 du contrat d'amodiation interdit à l'amodiataire de céder ou de sous-louer l'emplacement ; que cette règle est toutefois limitée par le règlement de police applicable au Port de Plaisance qui prévoit dans son article 27 alinéa 2 « En cas de vente d'un navire, le poste d'accostage concerné ne peut, en aucun cas, faire l'objet d'un transfert de droit de jouissance, de la part du titulaire, au profit du nouveau propriétaire sans un accord formel du concessionnaire » ; qu'il appartient donc à Monsieur Pierre X... de faire le nécessaire en ce sens mais il ne peut se voir déchargé de ses obligations contractuelles concernant la durée de la convention ; qu'il est établi et non contesté par la société Port Deauville que celle-ci a mis l'emplacement litigieux à la disposition de tiers ;
ALORS QUE l'article 1 du contrat d'amodiation a pour objet et pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels pendant cinquante ans en lui imposant de payer les charges afférentes à l'emplacement réservé, quand bien même il serait placé pour un motif légitime dans l'impossibilité d'utiliser cet emplacement et que la résiliation du contrat ne causerait aucun préjudice au concessionnaire ; que le caractère abusif de cette clause est encore aggravé par l'article 5 du contrat qui interdit à l'amodiataire de sous-louer ou de céder son emplacement ; qu'en raison de ses conditions extrêmement restrictives d'application, dont le Juge du fond ne constate pas qu'elles se trouvent réunies en l'espèce, l'article 27 alinéa 2 du règlement de police du port n'a pas pour effet de faire disparaître le déséquilibre significatif ainsi créé par la clause de durée litigieuse au détriment du consommateur ; qu'en refusant de constater le caractère abusif de la clause, et d'en constater la nullité, la juridiction de proximité a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné Monsieur X... au paiement de la somme de 1.773,26 € avec intérêts au taux de 1 % à compter du 5 juillet 2007 et ce, jusqu'à complet paiement ;
AUX MOTIFS QUE si la faculté de résiliation est effectivement prévue, cette faculté est soumise à l'acceptation de la société Port Deauville SA ; que s'il est établi et non contesté par la société Port Deauville SA que celle-ci a mis l'emplacement litigieux à disposition de tiers, ce fait constitue l'application du règlement de police du port de plaisance et de son article 26 qui précise que tout amodiataire doit effectuer une déclaration d'absence toutes les fois qu'il libère pendant plus de 7 jours le poste amodié et que faute d'avoir été saisie d'une telle déclaration, la société Port Deauville en disposera ; que cette mise à disposition ne peut s'analyser comme une acceptation de la résiliation par Port Deauville, puisque le transfert du droit de jouissance à un nouveau propriétaire nécessite un acte écrit d'amodiation informant le nouveau propriétaire de ces droits et obligations et constatant le transfert de jouissance, ces contrats devant faire l'objet d'enregistrement et d'accord formel de la société Port Deauville SA ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 27 du règlement de police du port de Deauville, qui n'est applicable qu'en « cas de vente d'un navire », stipule clairement que l'accord formel du concessionnaire concernant le transfert de jouissance du poste d'accostage n'est exigé que dans l'hypothèse où ce transfert a lieu, d'une part, à l'initiative du titulaire de l'emplacement et, d'autre part, au profit du nouveau propriétaire du bateau ; qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que cette disposition était inapplicable en l'espèce, le transfert de jouissance ayant eu lieu au profit de tiers sans vente de navire et à la seule initiative du concessionnaire ; qu'en conséquence l'attitude du Port emportait acceptation de la résiliation du contrat que lui avait notifiée Monsieur X... ; que c'est dès lors en dénaturant les termes clairs et précis de l'article 27 du règlement de police du port que le Juge de proximité a considéré qu'à défaut de l'accord formel prévu à cette disposition, le concessionnaire ne saurait avoir accepté la résiliation du contrat notifiée par Monsieur X... au 20 juin 2006 ; qu'en statuant ainsi, le Juge de proximité a violé ledit règlement et l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de rechercher si cette réutilisation de l'emplacement remis à sa disposition, de son plein gré et en-dehors de tout code légal ou réglementaire, n'impliquait pas, de la part de la société Port Deauville l'acceptation de la résiliation du contrat qui lui avait été notifiée, le juge du fond a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.
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La recommandation de la Commission des Clauses abusives sur les contrats de prévoyance obséques
Voici le texte de cette recommandation du 25 juin 2010 :
La Commission des clauses abusives,
Vu l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 ;
Vu les dispositions de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ;
Vu les dispositions du code de la consommation et notamment les articles L. 132-1 à L. 132-5 et R. 132-1 à R. 132-2-1 ;
Vu les dispositions du code des assurances et notamment les articles L. 132-8 et L. 132-23-1 ;
Vu les dispositions du code général des collectivités territoriales et notamment les articles L. 2223-19, L. 2223-20, L. 2223-23, L. 2223-34-1 et L. 2223-35-1 ;
Vu l’article 42 du code de procédure civile ;
Vu la circulaire de normalisation n° NOR/INT/B/06/00119/C du 20 décembre 2006 ;
Entendu les représentants des professionnels concernés ;
Considérant qu’à la fin de l’année 2009, deux millions et demi de contrats de prévoyance obsèques avaient été souscrits et que ce nombre est appelé à se développer fortement compte tenu de l’évolution démographique ;
Considérant que l’appellation « contrats de prévoyance obsèques » recouvre deux types de contrats d’assurance vie-décès : des contrats en prestations et des contrats en capital ; que, dans la mesure où ces derniers ne garantissent pas que le capital sera versé à un opérateur funéraire et n’ont donc pas de lien nécessaire avec le financement des obsèques, le champ de la présente recommandation porte uniquement sur les contrats en prestations associant un intermédiaire d’assurance à un opérateur funéraire ; que la finalité de ces contrats est de garantir le versement d’un capital à l’opérateur funéraire pour qu’il réalise les obsèques selon les volontés du consommateur ;
Considérant que la Commission regrette que la présentation commerciale de certains contrats laisse penser au consommateur que ses volontés seront respectées dans l’organisation de ses obsèques, alors même que le contrat, étant de capitalisation, n’a pas cet objet, ou bien, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prévoyance obsèques à proprement parler, que ce respect n’est pas contractuellement garanti ;
Considérant que certains montages contractuels sont d’une grande complexité juridique faisant intervenir une association, un groupement d’intérêt économique funéraire, un opérateur funéraire, un mandataire, un assureur, un assisteur, etc. ; que leur présentation matérielle ne permet pas toujours au consommateur d’identifier les multiples intervenants et leurs rôles respectifs ;
Considérant que l’examen de ces contrats révèle des clauses abusives relatives au contenu du contrat, à sa modification, à l’exécution et à l’inexécution des prestations ;
I - Les clauses relatives au contenu du contrat
1° - Considérant que les contrats de certains opérateurs funéraires proposent au consommateur un ensemble de prestations sans faire apparaître clairement la distinction entre celles qui, en application de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales, présentent un caractère obligatoire pour l’exécution de leur mission de service public, et celles qui sont seulement facultatives ; que ces clauses ne permettent pas au consommateur de se faire une idée précise des prestations obligatoires ; qu’en contrevenant ainsi aux dispositions légales précitées, elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;
2° - Considérant que plusieurs contrats présentent certaines prestations funéraires comme obligatoires, alors qu’elles ne revêtent pas ce caractère en vertu de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales ; que, dans la mesure où ces clauses laissent croire au consommateur qu’il est tenu de souscrire de telles prestations, elles sont de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment ;
II - Les clauses relatives à la modification du contrat
3°- Considérant que certains contrats contiennent une clause en vertu de laquelle le devis des prestations, qui sert de base au montant du capital que va choisir le consommateur, a une durée de validité de 4 mois après sa signature ; cette clause est de nature à laisser croire au consommateur que, 4 mois après son acceptation du devis, le professionnel sera libre de modifier les termes de son engagement ; que cette clause relève donc de l’interdiction du 3°) de l'article R. 132-1 du code de la consommation ;
4° - Considérant que certaines clauses permettent, à l’occasion de la modification de l’opérateur funéraire par le consommateur conformément aux dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales, au mandataire désigné par ce dernier de limiter son obligation contractuelle de garantir la bonne exécution des obsèques ; que ces clauses, qui sont de nature à permettre au professionnel d’alléger unilatéralement son obligation contractuelle à l’occasion de l’exercice d’une prérogative légale par le consommateur, créent un déséquilibre contractuel significatif au détriment de ce dernier ;
5° - Considérant que plusieurs contrats permettent expressément au consommateur, conformément aux dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales, de modifier certains éléments de son contrat, notamment le montant du capital initialement choisi ; que toutefois, certaines clauses prévoient, en cas d’augmentation de ce capital, un paiement immédiat par le consommateur tandis que, en cas de diminution, le remboursement dû aux héritiers n’est prévu qu’après son décès ; que de telles stipulations, qui permettent au professionnel de conserver ces sommes sans aucune justification pendant une durée indéterminée, sont de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; qu’elles sont donc abusives ;
6° - Considérant que diverses clauses permettent à l’opérateur funéraire, dans l’hypothèse « où certaines prestations ou fournitures seraient modifiées ou supprimées », de leur conserver « une qualité et/ou un caractère équivalent » ; que de telles clauses, par leur généralité, autorisent le professionnel à substituer, à sa discrétion, des prestations à celles initialement prévues ; qu’elles sont abusives au sens du 3°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation ;
7° - Considérant que les contrats de plusieurs opérateurs funéraires prévoient que certaines prestations ou fournitures, non stipulées mais nécessaires à la « bonne exécution » des obsèques, feront l’objet d’une facturation supplémentaire et d’un prélèvement automatique ; que de telles clauses, en ce qu’elles permettent au professionnel d’imposer unilatéralement des prestations supplémentaires au consommateur, en fonction d’éléments insuffisamment précis et explicites, sont abusives au sens du 3°) de l’article R.132-1 du code de la consommation ;
8° - Considérant que le contrat d’un opérateur funéraire, prévoit, sans autre précision, que le changement de domicile du consommateur peut entraîner une modification de son contrat ; qu’aucun détail n’est donné sur cette modification éventuelle ni sur les conséquences qui pourraient résulter d’un changement de domicile quelle que soit la distance séparant le nouveau domicile de l’ancien ; que, par sa généralité, cette stipulation est de nature à réserver au professionnel la possibilité de modifier unilatéralement et discrétionnairement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre, en méconnaissance des dispositions du 3°) de l’article R.132-1 du code de la consommation ;
9° - Considérant que certaines clauses prévoient que le consommateur ne peut changer l’opérateur funéraire, bénéficiaire du contrat, qu’avec l’accord préalable de celui initialement choisi ; que ces stipulations ne permettent pas au consommateur de modifier l’opérateur funéraire à tout moment contrairement à ce que prévoit l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;
10° - Considérant que certaines clauses prévoient un délai minimum pour modifier l’opérateur funéraire ; que ces dispositions ne permettent donc pas au consommateur de changer d’opérateur funéraire à tout moment contrairement à ce qu’édicte l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;
III - Les clauses relatives à l’exécution et l’inexécution des prestations
11° - Considérant que les contrats qui prévoient le paiement par primes périodiques imposent le prélèvement automatique comme mode unique de paiement ; que de telles stipulations sont abusives en ce qu’elles ne laissent aucun choix du mode de paiement au consommateur ;
12° - Considérant que certaines clauses subordonnent la mise en œuvre des prestations d’assistance, en particulier celle relative au rapatriement du corps, à l’obligation, pour « tout membre de la famille », après le décès du souscripteur, de téléphoner au gestionnaire du contrat et de lui déclarer des « éléments », sans autre précision ; que, faute pour le consommateur de connaître à l’avance les renseignements susceptibles de lui être demandés et, surtout, de savoir sur quelles bases le gestionnaire serait amené à refuser la prise en charge du rapatriement, les clauses litigieuses sont de nature à autoriser le professionnel à faire dépendre l’exécution de son obligation de sa seule discrétion ; qu’elles rompent ainsi l’équilibre contractuel au détriment du consommateur, en contravention aux dispositions du 1°) de l’article R.132-2 du code de la consommation ;
13° - Considérant que les contrats organisent la procédure à suivre pour que l’assisteur exécute son obligation contractuelle de rapatriement du corps ; qu’une clause subordonne cette prestation à la réalisation par ce dernier de « vérifications utiles » ; que la nature des « vérifications » à effectuer n’étant nullement précisée, l’intervention du professionnel ne dépend que de sa seule appréciation de la situation et qu’ainsi, postérieurement à la conclusion du contrat, il sera en mesure de se libérer discrétionnairement de son obligation contractuelle ; qu’une telle stipulation contractuelle crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et qu’elle est présumée abusive au sens du 1°) de l’article R.132-2 de la consommation ;
14° - Considérant que certaines clauses prévoient que l’assureur, après le décès du consommateur et le versement du capital convenu, se réserve le droit de demander « tout justificatif complémentaire qu’il juge utile » ; que ces stipulations sont de nature à laisser croire au consommateur que, faute pour lui d’être en mesure de répondre à ces exigences indéterminées, laissées à la discrétion du professionnel, le versement du capital souscrit pourrait être remis en cause ; qu’une telle clause est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; qu’elle est donc abusive ;
15° - Considérant que certains contrats relatifs à la garantie d’assistance rapatriement du corps prévoient une liste de cas dans lesquels la société d’assistance entend se libérer de son obligation contractuelle ; que l’usage de l’adverbe « notamment » placé au début de cette liste ainsi que l’énumération de diverses hypothèses insuffisamment précises ou limitées permettent au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle même dans des situations ne relevant pas de la force majeure ; qu’une telle clause crée un déséquilibre significatif au détriment du premier ; qu’elle est donc abusive ;
16°- Considérant que certains contrats prévoient que le tribunal compétent en cas de litige est celui du siège social du professionnel ; que l’article 48 du code de procédure civile prohibe la clause attributive de compétence entre professionnels et consommateurs ; que de telles clauses, qui ont pour objet de déroger aux règles impératives de compétence territoriale, sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles sont abusives.
Recommande que soient éliminées des contrats de prévoyance obsèques les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1° - de ne pas mettre le consommateur en mesure d’identifier les prestations funéraires obligatoires, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales ;
2° - de laisser croire au consommateur qu’il est tenu de souscrire certaines prestations funéraires qui, pourtant, ne revêtent aucun caractère obligatoire ;
3° - de laisser croire au consommateur que le professionnel, postérieurement à l’acceptation du devis, aura la faculté de modifier les termes de son engagement ;
4° - de permettre au mandataire, en méconnaissance des dispositions du 4°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation, de modifier unilatéralement son obligation contractuelle de garantir la bonne exécution des obsèques à l’occasion de l’exercice par le consommateur d’une prérogative légale ;
5° - de prévoir un paiement immédiat du consommateur lorsqu’il décide d’augmenter le capital et un remboursement, seulement après son décès, lorsqu’il choisit d’en diminuer le montant ;
6° - d’autoriser le professionnel à modifier ou supprimer de manière discrétionnaire certaines prestations ou fournitures ;
7° - d’autoriser le professionnel à facturer de manière unilatérale au consommateur des prestations non initialement stipulées, en méconnaissance des dispositions du 3°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation ;
8°- de réserver au professionnel le droit de modifier discrétionnairement les clauses du contrat en cas de changement de domicile du consommateur ;
9°- de soumettre le changement d’opérateur funéraire initialement choisi à l’accord de ce dernier, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ;
10° - d’imposer au consommateur un délai pour changer d’opérateur funéraire, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ;
11° - d’imposer au consommateur le prélèvement automatique comme mode unique de paiement ;
12°- de permettre au professionnel de faire dépendre l’exécution de sa prestation à la fourniture, par le consommateur, d’ « éléments » indéterminés ;
13° - de permettre à l’assisteur de faire dépendre l’exécution de son obligation de rapatriement du corps de vérifications non définies et laissées à son appréciation discrétionnaire ;
14° - de laisser croire au consommateur que, postérieurement au décès du souscripteur, le versement du capital pourrait être remis en cause à défaut de la fourniture par ce premier de justificatifs relevant de la seule discrétion du professionnel ;
15° - de permettre au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle même dans des situations non constitutives de la force majeure ;
16°- de déroger aux règles légales de compétence territoriale des juridictions.
Recommandation adoptée le 15 avril 2010 sur le rapport de Mme Ariane Pommery
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