samedi, 21 août 2010
Un exemple d'abus de faiblesse
Par cet arrêt :
"I-Sur le pourvoi formé par Marie-Linda X..., épouse Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi formé par Ali Z... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Ali Z... coupable du chef d'abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
" alors que la personne poursuivie a le droit d'être informée de manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dans des conditions lui permettant de présenter une défense effective ; qu'en se contentant d'énoncer qu'Ali Z... est poursuivi pour des faits qualifiés d'abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste, sans autre précision, la cour d'appel ne met pas la Cour de cassation en mesure de vérifier que le prévenu a été suffisamment informé de la nature et de la cause de la prévention, le privant ainsi de l'exercice effectif des droits de la défense " ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, par acte du 22 octobre 2008, Ali Z... a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Cusset, pour avoir à Vichy, courant 2005 et 2006 et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, frauduleusement abusé de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse de Gisèle A..., personne majeure qu'il savait particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, pour la conduire à un acte ou à une abstention gravement préjudiciable pour elle, en l'espèce, la vente d'un appartement avec un système de vente non adapté à son état de santé et à sa situation financière ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose aux juges de reproduire dans leur décision l'intégralité du contenu de l'acte de poursuite, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-15-2, 223-15-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Ali Z... coupable du chef d'abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs qu'Ali Z..., commerçant résidant à proximité du domicile de Gisèle A... et lui rendant régulièrement visite, ne pouvait davantage ignorer sa vulnérabilité psychologique ; qu'en effet, selon l'expert psychiatre, qui a déposé un rapport précis et circonstancié, les premiers symptômes de l'altération mentale de cette personne âgée remontaient au moins au début de l'année 2004, ainsi qu'il résultait de la consultation du dossier de ses hospitalisations successives au centre hospitalier de Vichy, et n'avaient par la suite cessé de s'aggraver, de sorte qu'ils étaient bien présents dans le courant de l'année 2005, étant rappelé que le compromis de vente de l'appartement a été signé en juillet 2005 et la vente définitive en octobre de la même année ; que, par ailleurs, il ressort de l'examen du dossier que le 3 mars 2006 les policiers venus interroger Gisèle A... sur la vente de l'appartement ont constaté qu'elle tenait des propos incohérents à ce sujet ; que le 13 avril 2006, jour de la réalisation de l'expertise, le médecin psychiatre a relevé qu'elle donnait plusieurs versions à ce propos, indiquant successivement que tout était vendu, que rien n'était vendu, qu'une partie seulement des meubles était vendue, ou qu'une personne lui avait proposé d'acheter sa cuisine... ; que, pourtant, Ali Z..., entendu par les services de police le 17 juillet 2006, soit plusieurs mois plus tard, a affirmé à deux reprises que Gisèle A... avait encore toute sa tête ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il ne saurait valablement invoquer un consentement éclairé de Gisèle A... à la transaction litigieuse, et qu'il a en réalité profité de sa totale absence de défense pour la conduire à passer cet acte ; que même si la vente de l'appartement à Ali Z... a été conclue au prix du marché, ce qu'aucun élément objectif du dossier ne permet réellement d'établir, car seule y figure une attestation en ce sens du notaire instrumentaire, il convient de relever que cette vente en viager ne correspondait aucunement à l'intérêt de Gisèle A..., qui disposait d'un patrimoine conséquent lui permettant de subvenir largement à ses besoins ; que Me B..., son notaire de famille, a refusé de prêter la main à cette vente ; que cette transaction a eu pour effet de faire sortir sans nécessité du patrimoine de la victime un bien immobilier d'une valeur non négligeable, et de permettre à Ali Z... de réaliser une opération financière particulièrement avantageuse ; qu'ainsi, ces faits ont occasionné un grave préjudice à Gisèle A... ; qu'Ali Z... a déclaré être l'objet d'un complot de la part des voisins et copropriétaires de l'immeuble de Gisèle A..., destiné à lui faire quitter les lieux ; qu'il ressort plutôt cependant, de l'examen du dossier, que l'entourage de la victime s'est ému de constater qu'elle n'avait aucunement réalisé la portée de l'acte de vente qu'elle avait passé ; que, enfin, le conseil du prévenu produit un certain nombre d'attestations tendant notamment à établir que Gisèle A... conservait toute ses capacités de jugement ; qu'il convient, cependant, de considérer avec une particulière prudence l'attestation établie par Mme C..., auxiliaire de vie travaillant également au service de Gisèle A..., et dont la lecture du dossier révèle qu'elle était vraisemblablement animée des mêmes intentions que Marie-Linda Y... ; qu'en effet, l'examen des relevés téléphoniques de la victime a fait apparaître de nombreuses communications à destination du Maroc, pays dont Mme C... est originaire, alors que Gisèle A..., alitée, n'avait pas accès à l'appareil téléphonique ; que l'attestation émanant de M. D..., peu lisible, n'apparaît pas exploitable ; que les attestations fournies par M. E... et M. F... n'apportent pas d'élément déterminant susceptible de modifier l'appréciation des faits objets de la poursuite ; qu'enfin, le témoignage de Mme G..., infirmière, selon lequel Gisèle A... reconnaissait parfaitement les personnes présentes à son domicile et refusait d'être placée en maison de retraite, n'est pas de nature à remettre en question les conclusions précises et circonstanciées de l'expert quant à l'altération des facultés mentales de la victime ;
" 1°) alors que l'abus de faiblesse doit s'apprécier au regard de l'état de particulière vulnérabilité au moment où est accompli l'acte gravement préjudiciable à la personne ; qu'en appréciant la vulnérabilité de Gisèle A... sur la base de l'impression d'incohérence de ses propos perçue par les fonctionnaires de police en mars 2006 et d'une expertise en date du 13 avril 2006, la cour d'appel s'est placée plusieurs mois après la date des faits fixée au 12 octobre 2005 et ainsi n'a donné aucune base légale à sa décision ;
" 2°) alors que l'abus de faiblesse suppose l'existence d'un acte frauduleux ; qu'en s'abstenant de déterminer en quoi la vente réalisée entre Ali Z... et Gisèle A... constituait un tel acte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors que l'abus perpétré par l'auteur de ce délit doit, en outre, conduire la personne vulnérable à un acte ou à une abstention pour elle gravement préjudiciable ; qu'en ne constatant pas en quoi la vente réalisée au prix du marché et dans des conditions normales était constitutive pour Gisèle A..., d'un acte gravement préjudiciable, la cour d'appel d'a pas davantage justifié sa décision ;
" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, constater que la vente de l'appartement de Gisèle A... s'est déroulée dans des conditions normales et déclarer le demandeur coupable du chef d'abus de faiblesse " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois."
| Commentaires (0) |
Les commentaires sont fermés.